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lES outilS En FEr du SitE dE vErtAult-VERTILLUM (CÔtE-d’or) nicolas tisseranD* Mots-clés Outil, artisanat, Vertault/vertillum, agglomération secondaire. Keywords Tools, crafts, Vertault/vertillum, small town. schlagwörter Werkzeug, Handwerk, Vertault/vertillum, Flachlandsiedlung. résumé Le site de Vertault, antique vertillum (Côte-d’Or), a fait l’objet de fouilles anciennes qui ont permis de dégager une partie de la ville et ont livré un corpus important d’outils en fer. Il se compose d’environ 300 pièces qui, malgré leur absence de contexte, nous en apprennent un peu plus sur l’artisanat à vertillum. abstract Past excavations at Vertault, roman vertillum (Côte-d’Or, France), have opened up a part of the town in which an important corpus of iron tools was found. The collection includes about 300 objects, that, despite their lack of speciic context, tell us nonetheless something further about the crafts craft industry at vertillum. (traduction r. Simon) Zusammenfassung Durch die Altgrabungen der Siedlung von Vertault (F), antik vertillum, konnte ein Teil der Stadt freigelegt werden. Diese lieferten ein wichtiges Ensemble von Eisenwerkzeugen, bestehend aus 300 Stücken. Letztere liefern, wenn auch ohne Fundzusammenhang, einen wichtigen Beitrag zur Kenntnis der handwerklichen Aktivitäten von vertillum. (traduction K. Zipper) le site de Vertault, antique Vertillum, est une agglomération secondaire située au nord-ouest de châtillonsur-seine (côte-d’Or ; ig. 1) qui occupe l’extrémité d’un promontoire calcaire sur une surface d’environ 25 hectares. Sa position, aux conins des territoires mandubien, sénon et tricasse, et à proximité de grands axes routiers, en fait un lieu privilégié pour une implantation ancienne. le site a livré des milliers d’objets et notamment une collection inédite d’outils en fer, collectés au fur et à mesure des campagnes, et qui font l’objet de cet article. historique Des Fouilles Vertillum a fait l’objet de nombreuses fouilles, d’abord de 1846 à 1882 par lucien coutant sous l’égide de la commission des Antiquités de côte-d’Or, puis par les présidents successifs de la société Archéologique et Historique du châtillonnais, notamment Henry lorimy, qui en supervisèrent les travaux. une connaissance minutieuse des travaux effectués est possible, grâce à un important dépôt d’archives constitué par les journaux de fouilles tenus par les différents contremaîtres qui ont conduit les recherches et qui relatent leurs constatations, en y joignant schémas, plans, dessins et photographies. la qualité de ces données, bien qu’indéniable, est cependant à nuancer du fait de l’absence à l’époque de rélexion stratigraphique et de vision synthétique des différents quartiers. en 1954 et 1981, rené Joffroy reprend les fouilles sur des parties du murus gallicus. de 1984 à 1991, des fouilles et des sondages locaux ainsi que des nettoyages ont été effectués dans le cadre d’une remise en valeur du site par J.-m. mangin et m. mangin. le premier plan général fut dressé tardivement par Jean delarozière dans les années 1930. il a été repris et corrigé en 2000 par martine Jouin. * inrAp, chercheur associé à l’umr 5594 « ArteHis ». Aspects de l’artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, p. 251-265 (28e suppl. à la RAE ), © SAE 2010 nicolas tisserAnd le site le nom antique de Vertault est connu grâce à une inscription découverte en 1863 dans les thermes : [(…) VIKAN VERTILLENSIB (…)], « Aux habitants de Vertault » (CIL, Xiii, 5661). le cartulaire de l’abbaye de molesmes mentionne Vertault en 1081 sous le nom de Verteoculum, puis au xiie siècle, sous celui de Vertellum. la ville est signalée ensuite en 1651 par le père Jacques Vignier, recteur du collège des Jésuites de dijon, qui dit avoir trouvé « un joli pied en marbre, de nombreuses monnaies (Trajan, Probus) et des objets de la vie quotidienne » (manGin, manGin, 1994). d’après les fouilles anciennes, c’est le nord du plateau qui semble avoir été occupé en premier. il révèle non seulement une concentration de structures enterrées (habitat, fosse, silo, puits) taillées dans la roche, mais aussi un réseau de rues d’orientation nord-ouest/sud-est. Des ibules de La Tène C et D ainsi que des monnaies gauloises ont été trouvées sur l’ensemble du site. l’élément le plus marquant de cette période est le murus gallicus dont la construction semble datée par le matériel du milieu du ier s. av. J.-c. les études menées sur cette structure présentent ce rempart comme ayant plus une fonction d’apparat que défensive. il semble donc qu’une occupation laténienne soit assurée sur une partie du plateau aux environs de la conquête romaine, sans pouvoir la dater plus précisément. d’autres structures protohistoriques, que nous ne détaillerons pas, sont présentes sur le plateau, mais hors de l’enceinte (manGin, manGin, 1994). dans le cadre de notre étude, aucune donnée n’indique que des outils proviennent de ces structures laténiennes et c’est donc la ville romaine qui nous intéresse ici. la ville gallo-romaine a connu deux types d’organisations : - l’une, de forme assez irrégulière, au nord du plateau, d’orientation nord-ouest/sud-est, d’inspiration indigène ; - l’autre, beaucoup plus régulière, correspond à une période d’expansion avec réorganisation des quartiers nord et extension au sud autour de grands axes nordsud et est-ouest. deux axes orthogonaux principaux sont visibles sur les photos aériennes ainsi que deux entrées, l’une au sud-ouest, l’autre à l’est. cette réorganisation laisse transparaître une inluence de l’urbanisme romain classique. le point de jonction entre ces deux états est le centre du plateau, qui correspond au centre public. la ville présente toutes les constituantes caractéristiques de ce type d’occupation : quartiers commerçants, maisons, boutiques… l’habitat de surface se répartit 252 Vertault Fig. 1. Localisation du site. en plusieurs « îlots » cohérents bien délimités par des espaces de circulation se coupant généralement à angle droit. en ce qui concerne l’activité artisanale, quatre types d’artisanats ont livré des vestiges directs établissant avec certitude leur présence à Vertillum : - le travail des alliages cuivreux est présent sur le site, mais seul un atelier est clairement identiié (lorimy, 1902). les autres indices sont des creusets découverts en nombre dans des contextes secondaires. l’artisanat des alliages cuivreux de Vertault a fait l’objet d’une récente étude (charDron-Picault, 2006) ; - le travail du fer semble principalement localisé au nord-est. les découvertes liées au travail de forge paraissent avoir été importantes au vu des carnets de fouilles qui, en plus de quelques forges en place (carnets r-1922-1, r-1923-4, r-1927-11, r-1936-3), mentionnent des centaines de kilogrammes de scories et de culots de forges, malheureusement disparus ; - le travail de l’os et des matières dures animales est attesté par la découverte de nombreux éléments sciés, ébauches et ratés de fabrication (Béal, roDet-BélarBi, 2003) ; - enin, la découverte de ratés de cuissons et d’une molette dans un local témoigne du travail de la céramique (manGin, manGin, 1994). Au seul regard des vestiges immobiliers et des déchets qui les accompagnent, quatre grands ensembles Aspects de l'artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, p. 251-265 (28e suppl. à la RAE), © SAE 2010 les Outils en Fer du site de vertAult-vertilluM (côte-d’Or) 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 78 65 60 56 33 in é in dé te rm bo ag is ric ult ur e, vo irie iq ue s tx pl as t cu ir, t m ex til e 9 al ét pi er re ,m d’artisanat ont pu être identiiés, pouvant correspondre à un nombre supérieur d’artisans. cependant, si l’on prend en compte les nombreux outils découverts sur le site, le spectre des artisanats qui ont existé à Vertillum, durant toute la période d’occupation, s’agrandit. ces outils permettent de mettre en lumière un certain nombre d’activités qui ne laissent que peu de traces matérielles (cuir, bois…). le corpus est composé d’environ 300 pièces, ce qui en fait l’un des ensembles d’outils les plus importants découverts à ce jour en France. ils ont fait l’objet d’une étude exhaustive dans le cadre d’un mémoire de maitrise réalisé en 2001 et portant uniquement sur les outils en fer (tisseranD, 2001). ce mobilier est actuellement conservé au musée de châtillon-sur-seine, à l’exception de deux pièces déposées au musée Archéologique de dijon. Au regard de cette étude, il apparaît donc que le site livre une documentation riche qui le place au premier plan, au même titre que des sites de référence publiés tels que manching en Allemagne (JacoBi, 1974), Avenches en suisse (Duvauchelle, 1990) et surtout l’ensemble de la forêt de compiègne (chamPion, 1916) qui est encore aujourd’hui la référence française pour l’outillage de par la quantité de mobilier exhumé. deux questions ressortent principalement de cette étude : - la première tient à l’identiication des outils et aux contraintes inhérentes à ce type de mobilier (absence des parties en matériaux périssables), impliquant le recours à d’autres sources (iconographiques, textuelles, folkloriques) ; - la seconde tient à l’interprétation d’un corpus d’outils en fer provenant d’un contexte archéologique en termes d’identification de pratiques artisanales. À Vertault, l’abondante documentation écrite ne permet pas de replacer les outils dans un contexte précis et limite donc la rélexion à l’échelle du site dans son ensemble, sans pouvoir tenir compte des spéciicités chronologiques ou spatiales. c’est à cette seconde question que nous nous attacherons plus spéciiquement pour cet article. Le but de ce travail n’est pas de détailler chaque objet ou d’expliquer la fonction de tel ou tel groupe d’outil, mais plutôt de dresser un panorama général des outils découverts à Vertillum. de fait, une sélection des outils a été opérée ain de présenter un ou deux exemplaires les plus caractéristiques et/ou les mieux conservés de chaque type. nous renvoyons le lecteur au mémoire universitaire (tisseranD, 2001) pour consulter l’ensemble du mobilier. Le graphique, qui igure le nombre d’outils selon le matériau travaillé, démontre surtout qu’aucun artisanat ne prédomine sur le site (ig. 2). Fig. 2. Répartition des outils en fonction du matériau travaillé. les outils liés au travail Des métaux (pl. 1) les outils attribuables à la sphère du travail du métal sont variés (75 outils). À côté d’une intéressante série de marteaux, les fouilles ont livré des lots de petits outils : ciselets, burins, limes, enclumette, emboutissoirs, rivoirs... des pinces (six exemplaires), qui pourraient fonctionner par paire, semblent également liées à des travaux sur des tôles ou de petits objets (n° 12). une cisaille (n° 6) dont le fonctionnement exact nous échappe a également été rattachée au travail des métaux. elle présente une excroissance pourvue d’un rivet indiquant qu’elle devait être fixée sur une structure en bois. un exemplaire quasiment identique a récemment été découvert lors d’une fouille préventive (Jalleranges, doubs, inédit). À notre connaissance il n’existe pas d’autres exemplaires publiés. À l’exception du marteau (n° 4) qui pèse 1,1 kg et présente une forme particulière, et d’une probable tranche à froid (tisseranD, 2001, n° 274), peu d’outils caractérisant le travail de forge ont été mis au jour sur le site. cela peut s’expliquer par plusieurs raisons : récupération préférentielle de ce type d’outils massifs, perte plus fréquente des petits outils... d’autres exemplaires de marteaux présentent des pannes qui les recommandent plutôt pour un travail de chaudronnerie (nos 3 et 5). En déinitive, les outils découverts sur le site témoignent plutôt d’une activité métallurgique sur des petits objets ou des tôles. Cette vision, qui n’est que celle relétée par l’outillage, ne peut s’affranchir de l’étude des déchets métallurgiques du site qui prouve, a contrario, une forte activité de la métallurgie du fer (cf. infra). Aspects de l'artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, p. 251-265 (28e suppl. à la RAE), © SAE 2010 253 nicolas tisserAnd les outils liés au travail Du cuir et Des matières textiles (pl. 2) en plus des traditionnelles lames de force dont le caractère artisanal ou agricole est incertain en l’absence de contexte, le site de Vertillum a livré un intéressant corpus d’outils et d’instruments liés au travail du cuir tels que des couteaux, des racloirs, des alênes et des emportepièces. une série de petits outils, appelés communément lancettes (nos 26-27), et qui se caractérisent par un court manche souvent torsadé et un tranchant double plus ou moins in, pourraient appartenir à la gamme des outils pour le cuir. cette hypothèse a été notamment proposée par m. Volken (inédit, information orale) qui reconnaît dans ces « lancettes » des lames destinées à réaliser un type particulier de décor ajouré triangulaire présent sur certaines chaussures en cuir. les outils liés au travail du textile peuvent témoigner aussi bien d’une activité artisanale que domestique ; cependant notre étude portant sur l’outillage et non sur l’artisanat, ils ont été intégrés au corpus, à l’exception des aiguilles (nombreuses à Vertault). une dizaine de peignes à carder, de conservation inégale, ont également été mis au jour sur le site. ces peignes sont utilisés pour carder des ibres végétales (lin, chanvre…) et non animales. les outils liés au travail De la Pierre et Des matériaux Plastiques (pl. 3) le corpus des outils associés au travail de la pierre est restreint à Vertillum et se compose pour l’essentiel d’outils à percussion posée tels que les ciseaux, gouges et gradines. cependant quatre d’entre eux méritent une attention particulière du fait de leur rareté et/ou de leur fonction particulière. - le premier est un marteau allongé de forme triangulaire à deux pannes plates (n° 37) dont la forme pourrait le recommander pour la taille de petits modules tels que des tesselles. - le second est une petite scie de forme rectangulaire pourvue de dents épointées (n° 38). ce type de scie correspond à la description que fait J.-c. bessac des scies ou sciottes à pierres dures (Bessac, 1986, p. 223). elle fonctionne comme une scie classique à laquelle on ajoute au fur et à mesure un abrasif comme du sable. ses faibles dimensions impliquent une utilisation pour des matériaux de petits modules. - le troisième est un ciseau (n° 32) dont le corps massif est volontairement courbe et que nous identiions comme un ciseau à creuser des trous de louve. deux exemplaires proches, identiiés comme tel, proviennent d’Angleterre (Bessac, 1986, p. 130). 254 - Enin, les fouilles ont livré le premier exemple de dame antique (n° 41). comme son nom l’indique, cet outil sert à damer des sols. Vitruve (De Arch, livre 7, 1,1) et pline l’Ancien (H.N., livre 36, § 185-186) mentionnent cet instrument en précisant qu’il peut s’agir d’un simple morceau de bois pourvu d’un manche que l’on tient à deux mains et qui peut être ou non ferré à son extrémité. l’exemplaire de Vertillum est ferré (une trentaine de clous sont visibles) et cerclé, ce qui rend l’outil plus eficace et améliore sa résistance. Malheureusement la partie en bois ayant disparu, il est impossible de présumer des dimensions de cette dame. bien que l’objet ne serve pas au travail de la pierre, il est largement utilisé dans le domaine de la construction et la présence d’une semelle cloutée indique probablement qu’il servait à damer des éléments durs (niveau de cailloutis, sol en terrazo…). pour le travail des matériaux plastiques, plusieurs exemplaires de truelles, de tailles et donc de fonctions différentes, sont conservés au musée de châtillon-surseine. certaines présentent un fer triangulaire et sont utilisées pour la construction (montage des murs) alors que d’autres possèdent un fer allongé à bout arrondi, ce qui les recommande pour des travaux de inition (lissage des joints). les outils liés au travail Du Bois (pl. 4 à 6) c’est le matériau auquel le plus d’outils sont associés (78 occurrences). les différents fragments de lame de scie découverts (planche 4) témoignent d’une grande diversité des activités de sciage. diverses formes de scies (à monture ou à poignée) ont été identifiées et peuvent être comparées avec des exemples modernes. les exemplaires de Vertillum peuvent être rattachés aux différentes étapes des travaux de découpe, des plus grossiers (débitage) aux plus ins (ébénisterie, marqueterie). les planches 5 et 6 présentent un ensemble d’outils liés au travail du bois. sont représentés des haches aux dimensions variées servant à l’abattage et au débitage, des lames de rabot dont une servant à créer un décor mouluré (n° 63) et des outils plus petits servant à enlever de la matière par percussion posée (ciseaux, bédanes, gouges) ou par rotation (mèche de drille ou à cuiller). les outils liés aux travaux aGricoles (pl. 7) bien que ces outils n’appartiennent pas au domaine artisanal, ils indiquent néanmoins une activité productive (commerciale ou non) et sont présentés dans cet Aspects de l'artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, p. 251-265 (28e suppl. à la RAE), © SAE 2010 les Outils en Fer du site de vertAult-vertilluM (côte-d’Or) article ain d’illustrer la variété de l’outillage découvert à Vertillum et notamment des pratiques agraires. le statut de ces outils est ambigu dans la mesure ou il pourrait aussi bien s’agir d’outils utilisés pour une activité de jardinage à titre privé que d’outils agricoles liés à une production marchande. une série de serpes dites à « échalas » est présente sur le site (n° 75). elles se caractérisent par une excroissance dans le prolongement supérieur du tranchant (cet appendice pouvant servir à fendre les échalas, qui sont les piquets soutenant les ceps de vigne). ce type d’outil se retrouve essentiellement sur des sites de l’est de la France et notamment en bourgogne (mâlain, Alésia,…) mais est également représenté sur plusieurs stèles conservées au musée archéologique de dijon. il pourrait s’agir de serpes liées au travail de la vigne dont la forme serait spéciique à un terroir. quelques consiDérations sur les métiers l’absence de tout contexte constitue indéniablement une limite à notre étude et il est impossible de raisonner sur des notions de panoplies, les carnets ne mentionnant aucune association. il est acquis que la plupart des artisanats sont présents dans les agglomérations secondaires dont ils forment d’ailleurs une caractéristique. cependant les outils de Vertault nous apportent des informations permettant de mieux préciser la nature de certains artisanats présents dans l’agglomération. les outils associés au travail du métal témoignent surtout du travail des tôles (martelage, ciselage, estampage). cette production a été en partie abordée dans un article sur le travail du bronze à Vertault. l’examen d’un certain nombre de déchets découverts à Vertillum a permis à p. chardron-picault d’identifier une possible production locale de poignées en tôle de bronze (charDron-Picault, 2006). l’outillage apporte de nouveaux indices sur la probable production (sans présumer de l’importance de celle-ci) de vaisselle en bronze, attestée, notamment, par les quelques exemplaires de marteaux à panne bombée (tisseranD, 2001) (ig. 3). la question de l’artisanat du fer ne peut être abordée car la vision relétée par l’outillage contraste avec la réalité archéologique qui a mis au jour des « centaines de kilos » de scories. la gamme des outils liés au travail du cuir témoigne d’une activité de cordonnerie sans spéciicité apparente. néanmoins l’outillage est ici le seul moyen d’attester de la présence de cet artisanat dans l’agglomération. concernant le travail de la pierre et des matériaux plastiques, les outils permettent d’indiquer la présence d’artisans « classiques » comme des tailleurs de pierre et des maçons, mais peut-être également d’un travail sur des roches décoratives, comme pourrait le suggérer le Fig. 3. Stèle découverte en 2005 sur la fouille de la nécropole de Pont-l’Évêque à Autun, présentant un personnage en buste tenant d’une main un marteau qu’il frappe sur un récipient en métal (venault et alii, 2006, p. 93). marteau à deux pannes symétriques (n° 37, pl. 3) que nous associons, avec toutes les précautions nécessaires, à un mosaïste. la dame peut être rattachée au domaine plus général de la construction. le travail du bois est bien attesté par l’outillage mais l’apport principal est la mise en évidence d’un artisanat de « inesse » qui se matérialise par la présence de quelques lames de scies très particulières (nos 46 à 49, pl. 4). il semble possible de rattacher ces scies à un travail du type marqueterie. ce type de production, qui, pour le bois, ne laisse aucune trace matérielle, correspondrait à une production plutôt luxueuse, qui se développe préférentiellement dans les cités (PolFer, 2005). la présence d’une petite lame de rabot moulurée (n° 67, pl. 6) Aspects de l'artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, p. 251-265 (28e suppl. à la RAE), © SAE 2010 255 nicolas tisserAnd Fig. 4. Artisans du bois. Stèle du musée de Metz. DAO : N. Tisserand. couteau couteaux forces tanneur ? alênes emporte-pièces marteau couteau demi-lune étire ou couteau à corroyer ? pince ou cisaille lames de scie montées sur cadre cordonnier ? Fig. 5. Plaque en terre cuite d’Ostie (Antiquarium, inv. 14259) avec outils de Vertault et statuette d’un cordonnier (plaque d’après DauMas, 1962 ; statuette : musée de Troyes). DAO : N. Tisserand. 256 Aspects de l'artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, p. 251-265 (28e suppl. à la RAE), © SAE 2010 les Outils en Fer du site de vertAult-vertilluM (côte-d’Or) démontre bien la spéciicité de certains outils uniquement adaptés à un type de décor. la igure 4 montre deux artisans travaillant sur un établi avec des outils tels que ceux retrouvés àVertault. en conclusion On le voit, cette rélexion ne peut être que générale et gomme les spéciicités inhérentes à tel ou tel type d’artisan ou de production. il faut en effet rappeler qu’un artisan peut utiliser plusieurs matériaux pour la production d’un seul objet (par exemple un couteau complet) ou à l’inverse ne fabriquer qu’une partie du produit (la lame). suivant le cas, l’outillage utilisé sera totalement différent. pour illustrer ce propos et l’importance du recours aux sources iconographiques, l’exemple d’une plaque en terre cuite découverte à Ostie (ig. 5), décrite dans la littérature comme représentant un rémouleur (Daumas, 1962 ; DescœuDres, 2001), nous semble intéressante. La plupart des outils igurés, s’ils sont pris séparément, témoignent d’au moins trois types de matériaux tra- vaillés (bois, métal, cuir), alors que regardés comme un ensemble cohérent, ils peuvent êtres rattachés à un seul artisan dont le matériau principal serait le cuir. la présence d’une enclume et de scies peut également intervenir dans le cadre de la fabrication d’objets à matériaux composites (cuir, bois, métal) tels que les malles, les coffres et même certaines chaussures. cette hypothèse d’interprétation est renforcée par les deux représentations humaines qui igurent dans un cas un personnage travaillant une peau (on voit une tête animale) sur un établi ou un meuble et dans l’autre un personnage assis travaillant sur un élément indéterminé. nous avons fait figurer en parallèle des outils de notre corpus, qui n’ont qu’une valeur démonstrative, car nous ne voulons en aucun cas les rattacher tous au même artisan pour ce qui est de Vertault. la suite à donner à cette étude spécialisée est bien évidemment une reprise complète de l’ensemble des mobiliers témoignant d’une activité artisanale, corrélée aux études déjà menées ain de dresser un bilan plus précis de l’artisanat à Vertillum. Aspects de l'artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, p. 251-265 (28e suppl. à la RAE), © SAE 2010 257 nicolas tisserAnd 1 4 3 2 6 5 7 8 11 10 9 12 13 14 15 1 5 cm Pl. 1. Outils liés au travail des métaux. 1-5. Marteaux ; 6. cisaille ; 7. enclumette ; 8-9. ciselet, burin ; 10-11. limes ; 12. pince ; 13-15. rivoir, emboutissoir. Dessin : D. Bertin, DAO : N. Tisserand. 258 Aspects de l'artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, p. 251-265 (28e suppl. à la RAE), © SAE 2010 les Outils en Fer du site de vertAult-vertilluM (côte-d’Or) 17 18 16 19 24 20 27 26 28 21 29 30 22 23 25 0 . 10 cm 1/4 Pl. 2. Outils liés au travail du cuir et des matières textiles. 16. Forces ; 17-19. couteaux pour le cuir ; 20-23. alênes ; 24-25. emporte-pièces ; 26-27. « lancettes » ; 28-30. peignes à carder. Dessin : D. Bertin, DAO : N. Tisserand. Aspects de l'artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, p. 251-265 (28e suppl. à la RAE), © SAE 2010 259 nicolas tisserAnd 31 32 33 35 34 36 38 37 41 39 0 40 10 cm 1/4 Pl. 3. Outils liés au travail de la pierre et des matières plastiques. 31. Ciseau ; 32. ciseau à louve ; 33-34. gouges ; 35. gradine ; 36. marteau pic ; 37. marteau de « mosaïste ». 38. scie à pierre ; 39-40. truelles ; 41. dame. Dessin : D. Bertin, DAO : N. Tisserand. 260 Aspects de l'artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, p. 251-265 (28e suppl. à la RAE), © SAE 2010 les Outils en Fer du site de vertAult-vertilluM (côte-d’Or) 43 42 44 45 46 51 47 48 49 0 50 10 cm 1/4 52 53 Pl. 4. Outils liés au travail du bois. 42-43. Scies à monture ; 44-45. scies égoïne ; 46. scie à « guichet » ; 47-53. scies à dentition ine (scies mises en persepective avec des exemples modernes d’après BerMPhol et alii, 1984). Dessin : D. Bertin, DAO : N. Tisserand. Aspects de l'artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, p. 251-265 (28e suppl. à la RAE), © SAE 2010 261 nicolas tisserAnd 54 56 58 1 55 57 59 5 cm Pl. 5. Outils liés au travail du bois. 54-58. Haches ; 59. herminette. Dessin : D. Bertin, DAO : N. Tisserand. 262 Aspects de l'artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, p. 251-265 (28e suppl. à la RAE), © SAE 2010 les Outils en Fer du site de vertAult-vertilluM (côte-d’Or) 61 60 62 1 63 5 cm 64 68 65 66 67 (d'après MANNING, 1985, pl. I) Pl. 6. Outils liés au travail du bois. 60. Ciseau ; 61. ciseau-bédane ; 62-63. gouges ; 64-66. fers de rabot ; 67. mèche à cuiller ; 68. mèche de drille. Dessin : D. Bertin, DAO : N. Tisserand. Aspects de l'artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, p. 251-265 (28e suppl. à la RAE), © SAE 2010 263 nicolas tisserAnd 70 71 69 73 72 74 76 75 0 10 cm 1/4 Pl. 7. Outils liés aux travaux agricoles. 69. Bêche ; 70. hoyau ; 71. serfouette ; 72. houe ; 73. dent de rateau ; 74. dent de herse ; 75. serpe « à échalas » ; 76. soc d’araire. Dessin : D. Bertin, DAO : N. Tisserand. 264 Aspects de l'artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, p. 251-265 (28e suppl. à la RAE), © SAE 2010 les Outils en Fer du site de vertAult-vertilluM (côte-d’Or) BiBlioGraPhie Béal J.-cl., roDet-BélarBi i., 2003, « le travail de l’os, du bois de cerf et de l’ivoire à Vertillum-Vertault (côted’Or) », Bull. de la Société archéologique et historique du Châtillonnais, 6, châtillon-sur-seine, p. 51-104. BermPohl r., Winkelmann H., chevalley e., 1984, Technologie du bois : matériaux, construction, dessin, ferrements, outillage, ameublement, aménagement, gestion, lausanne, éd. spes/paris, bordas, 384 p. Bessac, J.-c., 1986, L’outillage traditionnel du tailleur de pierre de l’Antiquité à nos jours, paris, éd. du cnrs, 319 p. 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